Bienvenue sur Pause marine : toutes les semaines, cette newsletter gratuite vous propose des circuits pour déconnecter en découvrant le littoral. Abonnez-vous pour être sûr de recevoir cette lettre directement dans votre boîte mail le vendredi !
Une plage est-elle destinée à la seule baignade ? La discrète et préservée plage d’Écault, entre Hardelot et Équihen-Plage, à quelques encablures de Boulogne-sur-Mer, offre un terrain de jeu propice à la natation, mais aussi à la randonnée, au char à voile, ou encore à la lecture, voire à un nouveau départ... Destins croisés au fil des vagues et des kilomètres.
À vrai dire, je n’avais pas prévu d’arpenter une plage. Je voulais avant tout prendre un peu de hauteur sur les monts du Boulonnais. En me posant, le temps d’un sandwich, sur le front de mer d’Hardelot, station chic et boisée au nord du Touquet, je l’ai vue, à l’écart, vaste, prenant la lumière, pleine de promesses, malgré cela délaissée par les estivants du printemps davantage rassurés par le béton des immeubles de la digue : la plage d’Écault, en prolongement de ce littoral d’opale, offre un panorama sauvage, parenthèse dunaire et lunaire.
Évidemment, je n’ai pas hésité longtemps. L’appel du pied vers cet ailleurs imprévu, vierge, en apparence, de construction humaine, a été le plus fort. L’air, aussi pur et frais que le sable est ensoleillé, est parfait pour entamer cette marche. Chaque pas est rythmé d’un léger craquement, celui des coquilles de couteaux qui jonchent l’estran à marée basse. Et puis il y a cet horizon, magnifiquement bleu, compagnon fidèle et rassurant, que rien ne semble perturber, pas même le défilé lointain des porte-conteneurs, rappel discret que nous sommes face à l’un des rails maritimes les plus fréquentés du monde. En contrepoint de cet horizon imperturbable, le mur des dunes d’Écault détonne par sa verdure, de plus en plus prononcée.
Dans cet entre-deux temporairement délaissé par la mer, le randonneur trace sa route, et croise celle, passée et présente, d’autres destins. Quelques rares baigneurs, d’encore plus rares amateurs de bronzette : la plage d’Écault se mérite, se savoure, on n’y va pas pour simplement profiter du soleil, elle offre tellement plus. Les amateurs de sport occupent l’espace naturel à leur disposition. L’eau, le vent, la terre et la liberté : chacun à leur manière, traileurs, nageurs, kayakistes, kitesurfeurs, et surtout vélicaristes se partagent le terrain. Le char à voile français est né à Hardelot, où l’aviateur Louis Blériot avait une maison, et s’intéressait à ce sport pratiqué au début du siècle en Belgique. Il a inventé et produit un « aéroplage », ancêtre des chars à voile actuels. La station possède un club, tout comme Équihen-Plage.
Pour d’autres, cette plage est un lieu de départ, son horizon est synonyme de nouvelle vie : des migrants qui veulent rejoindre l’Angleterre en bateau se retrouvent ici, comme en témoignent ces couchages de fortune abandonnés. Que sont-ils devenus ? Ont-ils réussi leur traversée ? Attendent-ils un prochain départ, quelque part dans les dunes ? Ces traces dans le sable demeurent comme des points d’interrogation ; comme un rappel, aussi, qu’il existe des univers parallèles aux nôtres.
Après environ trois kilomètres, le petit village d’Équihen, ancien bourg de pêcheurs, ferme cette parenthèse naturelle qu’est la plage d’Écault, et amorce une lecture plus rocheuse du paysage. Les falaises remplacent les dunes, l’estran est plus encombré. La mer remonte, il est temps de rejoindre les terres. Plusieurs escaliers ont été construits à même la falaise pour accéder à Équihen.
Le retour par les dunes s’impose. Le massif d’Écault, plus large massif dunaire du nord de la France, c’est un peu l’envers du décor. Après l’avoir longé, on y pénètre en ayant l’impression de passer de l’autre côté du miroir. Le petit ruisseau de la Warenne, qui fait office de porte d’entrée, se jette paisiblement dans la Manche et laisse son nom au chemin qu’il faut suivre avant d’entrer dans le cœur des dunes. Étonnamment, ce cœur est d’abord un poumon, très vert et très frais, en total contraste avec les éléments déjà traversés.
Les kilomètres grimpent, l’environnement change, la végétation aussi, qui montre ses incroyables capacités d’adaptation. Certains arbres, façonnés par le vent, en deviennent presque des œuvres d’art.
À la croisée des chemins, l’histoire a aussi laissé son empreinte. Le petit sentier sablonneux cède sa place à un chemin bétonné, dont on sent qu’il a vécu : il a pour nom le chemin des Juifs. La randonnée prend une autre dimension : ce chemin a été construit par des Juifs prisonniers dans un camp voisin entre 1942 et 1944, afin de faciliter la mise en place du mur de l’Atlantique ; des milliers y ont laissé leur vie. Dans les dunes, les blockhaus se font plus ou moins discrets. Décidément, les dunes et la plage d’Écault méritent un détour, et méritent d’être préservées.
Ainsi s’achève cette randonnée imprévue, boucle d’une dizaine de kilomètres, entre dunes et falaises, entre histoires et Histoire.
À la semaine prochaine !
Laurence Bril
laurenceblog@gmail.com
Vous avez aimé ? N’hésitez pas à liker et à partager.
Parcours
Départ et arrivée : front de mer d’Hardelot
Distance : 11 km
Dénivelé : 137 mètres D+ / D-
À noter : le Trail des 3 forts, organisé en septembre au départ du Portel, passe par les dunes d’Écault.
Cet itinéraire est donné à titre purement indicatif.
Texte et photos sont la propriété de Laurence Bril. Reproduction interdite.