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Un peu d’histoire, un peu de sport, et une vue à couper le souffle : l’endroit est sauvage, mais plein de promesses. Située sur une portion du GR21 normand assez peu fréquentée, cette valleuse fut au XIXe un lieu de débarquement spécial : celui de Cadoudal le Chouan et ses acolytes, qui voulaient renverser Napoléon. En route pour le bien nommé lieu-dit Parfondval, en remontant le temps et les falaises.
Les falaises dominent le paysage. Fières, comme toujours, malgré leur fragilité. Elles ne laissent que peu de liberté au promeneur qui souhaite descendre un peu plus bas voir si la mer est plus bleue et les galets plus gris. Seules quelques rares valleuses permettent de rejoindre la plage. Il faut suivre les pleins et les déliés naturels, avec pour guide cet unique sentier, très vert à cette époque de l’année, petite veine qui irrigue le littoral.
Avant d’atteindre notre but, on ne croisera que les goélands et quelques vaches, toujours aussi placides, plus étonnées par notre présence que par le bruit des vagues une cinquantaine de mètres plus bas.
Et puis, après avoir scrupuleusement longé un sentier taillé pour être arpenté en solitaire, après avoir lutté contre le vent qui est ici chez lui, après avoir médité sur la sublime rudesse du paysage, enfin, Parfondval est en vue. Le toponyme, déjà, suffit pour plonger dans un abîme. De réflexions, certes, mais aussi géographique : cette valleuse porte bien son nom, déchirure de terre battue par les vents, qui mène au fond du val, au plus près de cette mer que l’on sent ici sur ses gardes, prête à rugir. C’est un « étranglement, une ravine abrupte », comme le décrit Gaston Leroux, qui en a fait le repère d’Arsène Lupin dans L’Aiguille creuse. À vrai dire, Parfondval ne mène plus vraiment à la mer. Ce n’est pas une valleuse comme les autres. Elle est indomptée. L’accès à l’estran a toujours été compliqué ici. Cette échancrure naturelle dit tout des combats de l’homme pour tenter d’apprivoiser la falaise.
À la Révolution, cette valleuse, à l’abri des regards, était devenue un lieu de convergence pour tous ceux qui avaient quelque chose à cacher : contrebandiers, volontaires pour rejoindre la perfide Albion… ou, à l’inverse, comme Cadoudal, rentrer en France. Au fil du temps, les habitants avaient équipé Parfondval d’une corde, baptisée estamperche, grâce à laquelle il était possible, moyennant quelques efforts et des biceps, de braver les éléments, et remonter de la plage au plateau. C’est cet endroit qu’a choisi Georges Cadoudal, général chouan exilé en Angleterre, pour faire son come-back, dans le but de renverser Napoléon. Le 21 août 1803, il débarque avec quelques hommes en pleine tempête dans cette valleuse, lui assurant une petite postérité dans les livres d’histoire.
Cadoudal ne renversera pas Napoléon, qui lui coupera la tête un an après son débarquement à Biville. Pendant un moment, Parfondval s’appellera « la gorge Cadoudal », comme en témoignent encore quelques cartes postales anciennes.
Depuis, le temps, qui passe et qui érode, a fait son œuvre : plus d’estamperche, plus de corde, plus de lien entre terre et mer, la Manche a coupé les ponts. Elle n’est accessible qu’à la vue, rendant le paysage encore plus impressionnant quand on y ajoute la couche historique.
Dans les entrailles de la terre, avec vue sur mer : le relief offre une vision unique. Au fond de la valleuse, un étrange sentiment d’appartenir à un grand tout remet à sa place le promeneur. La beauté envahissante de Parfondval, son silence dépoussiéré par le vent, en font un lieu vraiment à part.
On ne quitte pas cette valleuse, on s’en extirpe presque. Comme un symbole, un pan de falaise se dresse tel un mur végétal devant le randonneur qui veut continuer son chemin par-delà Parfondval, donnant l’illusion de gravir une montagne, avant un lent retour à la civilisation.
Ici s'arrête, en haut de la falaise, ce huitième numéro de Pause marine. N'hésitez pas à me dire si cette escapade vous a plu, et si tel est le cas, n'hésitez pas non plus à la partager.
À la semaine prochaine !
Laurence Bril
laurenceblog@gmail.com
Parcours
Départ : Criel-sur-Mer
Distance : 15 km, dont une partie sur le GR21 qui longe la falaise
Dénivelé : 540 m D+/-
C’est un vrai régal en trail, même si le sentier est parfois très étroit.
Cet itinéraire est donné à titre indicatif.
Texte et photos sont la propriété de Laurence Bril. Reproduction interdite.