Bienvenue sur Pause marine : cette newsletter gratuite vous propose des circuits pour déconnecter en découvrant le littoral. Abonnez-vous pour la recevoir dans votre messagerie.
Voyager sur le littoral, ce n’est pas simplement « voir » du paysage. C’est aussi l’observer, le décrypter, le décortiquer, l’imaginer au fil des siècles. Les baskets peuvent devenir de formidables machines à remonter le temps : cette semaine, je vous emmène à la recherche d’un oppidum gaulois vieux de plus de 2000 ans. En route pour Puys et Bracquemont, près de Dieppe, deux petits villages très tranquilles en apparence, mais chargés d’histoires et d’histoire.
Pour la petite histoire, j’ai d’abord découvert ce parcours en prospectant un nouveau terrain de jeu pour courir. Je cherchais du vallonné avec vue mais pas trop vu. En bref : je voulais des falaises. En faisant du repérage sur IGN Rando et Google Maps, j’ai été intriguée par la toponymie : un chemin de l’Ancien Port y croisait une voie Romaine, qui devenait une rue du Camp de César. Tout cela me semblait indiquer un passé historique dense, étrangement et totalement absent du présent. Bracquemont est en effet un paisible bourg en retrait des falaises, sans accès à la mer, avec ses incontournables lotissements, et c’est à peu près tout. Cet enchevêtrement temporel et géographique m’a semblé matière à exploration. De petite, l’histoire est devenue un peu plus grande.
À vrai dire, ce n’est pas tant le camp de César qui a attiré mon attention — il y en a quelques-uns en France, qui recouvrent des réalités archéologiques différentes — ni la voie Romaine, que ce chemin de l’Ancien Port, qui mène au milieu de nulle part sur la falaise et finit en cul-de-sac, 70 mètres au-dessus de la mer. Se peut-il que cet endroit ait abrité, en des temps anciens, un accès à un port ? Et ce camp de César, que cache-t-il ? Un détour sur Gallica et Wikipédia m’apprend que ce camp de César, également baptisé Cité de Limes, abritait un oppidum gaulois, qui a fait l’objet de fouilles importantes au XIXe siècle, et jusque dans les années soixante. La toponymie s’explique. Il est temps de couper le GPS, et d’activer mon sens de l’observation.
À première vue, et même avec vue sur mer, rien ne distingue ce paysage perché sur la falaise de ses voisins de la côte d’Albâtre, façonnés par le vent, l’érosion, et la mer conquérante. Tout est beau, abrupt. La lumière, franche, lave les couleurs et leur rend leur éclat originel.
Pourtant, après environ un kilomètre sur la petite rue du Camp de César, on aperçoit, au milieu des champs, un mur de terre, recouvert d’herbe, qui se prolonge jusqu’à la falaise. Cette fortification marque l’entrée de la cité de Limes.
C’est un sentiment étrange de pénétrer un lieu vieux de plus de 2000 ans livré à la nature, sans touristes, à l’air libre, libre d’imaginer les vies d’antan et ce qu’il subsiste de leur passage. Marcher, et se demander si les gaulois écoutaient les goélands, si leur horizon s’appuyait sur cette gamme de bleus, si le murmure du vent était le même. Quels liens peut-on établir entre passé et présent en randonnant ? La connexion est aussi temporelle.
Il est très apaisant d’essayer de plaquer sur ce paysage une vision différente de la nôtre. Le temps passe différemment lorsque la tête est plus occupée que les jambes, encore plus lorsqu’elle scrute le paysage à la recherche de stigmates, de vestiges, quels qu’ils soient.
Ici, les courbes du paysage racontent cette antique cité de Limes. Les fortifications sont restées, devenues des hauts talus naturels, envahis par les ronces. Le sentier, qui se prolonge en serpentant au milieu, permet d’en prendre la mesure.
Peu à peu, le tracé rejoint la civilisation contemporaine, avant de plonger vers Puys, petit village qui fait face à Dieppe et ses ports. Là, les passés s’entrechoquent : Puys a été le théâtre d’une bataille terrible lors du débarquement de Dieppe en 1942, où 231 soldats canadiens ont laissé leur vie. Mais c’est une autre histoire. Ou pas.
Ainsi s’achève cette randonnée, une petite boucle de 10 km et 2000 ans.
À la semaine prochaine !
Laurence Bril
laurenceblog@gmail.com
Vous avez aimé ? N’hésitez pas à liker et à partager.
Parcours
Départ : Voie Romaine, à l’entrée du village de Bracquemont
Distance : Un peu moins de 10 km (qu’on peut prolonger vers Dieppe, toujours par la falaise)
Dénivelé : 75 m D+ / 81 m D-
À noter : un régal en trail
Cet itinéraire est donné à titre purement indicatif.
Texte et photos sont la propriété de Laurence Bril. Reproduction interdite.