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Des galets, des dunes de sable, des phoques, des mouettes rieuses, des oreilles de cochon et des oyats pour fixer le tout : le décor de cette escapade déconnectée est extraordinairement varié. Et pourtant, nous sommes au bout du monde, dans un cul-de-sac magnifique. Suivez-moi, je vous emmène à la pointe du Hourdel.
Aller au bout du monde : la promesse n’est pas vaine. C’est bien un bout de monde que je vous propose d’explorer, un bout de monde encore (un peu) préservé, un bout de monde où les galets bleus venus de Normandie terminent leur périple, usés, fatigués mais toujours très polis. Ce n’est pas n’importe quel bout du monde : Le Hourdel est un cap, dans tous les sens du terme. Il ouvre les chakras et l’horizon, et ses paysages lunaires sont la promesse d’une reconnexion avec la nature.
Quand on regarde la carte, la pointe du Hourdel se cache dans les replis de la baie de Somme. Elle en est la discrète et sauvage gardienne, langue de terre battue par les vents, en lutte perpétuelle contre les éléments.
Ce hameau picard, dernier port de pêche en activité de la baie de Somme avec Le Crotoy qui lui fait face, a connu un essor incroyable ces dernières années grâce aux phoques. Les paparazzi animaliers sont légion ici. Ils débarquent en bus avec leurs bottes en caoutchouc, leur boîtier Nikkon, et l’envie de ramener quelques clichés. Je les comprends, l’endroit est lumineux et garde un côté très sauvage. Pour autant, il faut découvrir Le Hourdel à la fraîche, quand la faune s’éveille, et que le touriste dort encore.
Le point de départ s’appelle La Mollière. Ce nom typique de la baie de Somme est déjà en lui-même une indication : il désigne une terre marécageuse, gagnée sur la mer. La route est elle aussi typique de cette portion du littoral : elle trace dans les sables — d’où sont nom de Route Blanche — et est bordée de ganivelles, ces canisses qui marquent le passage et contiennent les dunes. Il y a quelques années, la Route Blanche était encore ouverte aux voitures. Mais heureusement, elle est désormais entièrement réservée aux piétons et cyclistes.
La richesse de la faune et de la flore est exceptionnelle. Chaque saison apporte de quoi réjouir le randonneur bucolique. À la fin de l’été, on vient ici cueillir des mûres et surtout des baies d’argousier, légèrement acides et très riches en vitamine C.
Au printemps, on admirera la hardiesse des chenilles processionnaires, qui traversent la route au péril de leur vie. On admirera également les queues-de-lièvre, qui, malgré leur nom animalier peu flatteur, sont des plantes d’une poésie incroyable. D’aucun les rangent dans la catégorie des « mauvaises herbes », mais c’est vraiment faire fi de leur grâce naturelle. D’ailleurs, dès que l’on quitte le registre vernaculaire pour le registre officiel — les lagures —, elles semblent déjà moins communes.
Et puis que serait la Route Blanche sans les oyats, ces plantes qui couvrent les dunes de cheveux, les protégeant ainsi du vent ?
C’est ainsi pendant les quatre kilomètres qui séparent La Mollière de l’arrivée au Hourdel : l’amateur de nature est plongé dans l’ambiance. Et s’il vient pour les phoques, quelques panneaux le long de la route font office de teasing.
Et puis enfin, le bout du monde est là, à portée de regard, à portée de sons. C’est la luminosité qui marque le promeneur : son intensité est unique. Elle donne au gris ses lettres de noblesse, ce gris que le ciel emprunte aux galets le long de la grève. Le lieu respire la minéralité. Même son silence est minéral. Le vent souffle et dégage l’horizon, la nature est à l’aise ici, et cela s’entend : gazouillis de la marée qui descend, rire des mouettes, discret clapotis des phoques qui plongent. Car oui, les phoques sont là, à portée de vue. Et oui, les (aperce)voir procure un réel frisson, même à 300 mètres. Leur vision est le fruit d’un affût, d’une attente qui mêle patience et espoir, qui nous reconnecte avec le monde qui nous entoure, tel qu’il est, sans artifice. Et c’est magique.
Alors on continue de marcher le long du chenal à marée basse, ou sur les sentiers à marée haute, et c’est encore une autre facette de la nature qui nous attend. Plus on avance, plus on ressent une impression de sérénité, un accord majeur avec le monde qui nous entoure. Je viens souvent ici, et chaque fois, j’expérimente cette osmose. Chaque pas est une découverte, de soi et de la nature.
Ici, la salicorne s’étend, mais attention, sa cueillette est réglementée et réservée aux professionnels. On croise également des petits choux, pas à la crème mais marins, espèce protégée, ainsi que des oreilles de cochon, délicieuses à croquer.
En tout, cette balade entre dunes et galets représente un peu plus de 8 km. C’est une boucle vivifiante, pour prendre toute la mesure de la biodiversité incroyable de la baie de Somme.
Ici s'arrête cette deuxième Pause marine. N'hésitez pas à me dire si cette escapade vous a plu, et si tel est le cas, n'hésitez pas non plus à la partager.
À la semaine prochaine !
Laurence Bril
laurenceblog@gmail.com
Parcours
Départ : La Mollière
Distance : ± 8 km aller / retour
Dénivelé : 30 m (les dunes !)
Altitude la plus haute : 10 mètres
Un régal en trail à marée basse, avec des chaussures qui aiment la boue (appelée ici slikke), et ont des bons pare-pierres (à cause des galets).
Cet itinéraire est donné à titre indicatif.
Texte et photos sont la propriété de Laurence Bril. Reproduction interdite.
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