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Pour ce premier numéro de Pause marine, il fallait un endroit symbolique. Inspirant. Un trait de côte et de caractère, synonyme de déconnexion et de reconnexion, avec soi et avec la nature. Les falaises qui bordent la côte normande du Tréport au Havre offrent tout cela. Laissez-moi vous emmener là où elles prennent naissance1 : en Picardie.
En ce début d'après-midi, le soleil domine les falaises balbutiantes. La mer, lasse et basse, a temporairement cessé de se fracasser sur les enrochements, laissant quelques heures de répit aux pêcheurs à pied et à ce littoral si fragile. C'est ici, à altitude zéro, sur la plage d'Ault-Onival, étonnant petit bourg picard, que le relief normand commence à s'affirmer. Car, par un hasard du découpage administrativo-géographique, c'est sur la Côte Picarde que naît la Côte d'Albâtre.
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Il faut se poser sur cette plage à marée basse. Ancrer ses pieds dans le sable et parcourir le paysage d'un regard à 180°. Le panorama concentre tous les contrastes d’un environnement marin. D'un côté, le plat pays des galets bleus qui s’étirent doucement vers la baie de Somme, et cèdent aimablement leur place au sable.
De l'autre, des falaises qui font des débuts discrets, avant de s’affirmer et de culminer fièrement au-dessus des flots changeants de la Manche ; et partout, un ciel qui joue à cache-cache avec l’horizon. Le point de départ est plein de promesses.
La falaise est morte, vive la falaise !
Vu du ciel, l'itinéraire est simple : il suffit de longer la mer pour rejoindre les falaises. Pourtant, dès que l'on quitte l'organisation naturelle de la plage, le sentier peine à se faire une place. Il s'échappe de l'esplanade via une rampe bétonnée, bordée de murets en galets, tandis que quelques marches annoncent les premiers dénivelés. Avec, au passage, un terrain de basket qui jouit d'un emplacement incroyable, embrassant toute la plage, et au-delà.
On devine, en arpentant ce sol hétéroclite, le combat entre falaise morte et falaise vive, entre cette terre qui a coupé les ponts avec la mer au fil des siècles et des éboulements, et celle, fière et vaillante, qui se dresse les pieds dans l'eau. Le chemin surplombe des roches de plusieurs tonnes, acheminées il y a quelques années par camions spéciaux des carrières du Boulonnais, dans le Pas-de-Calais voisin, pour sécuriser cette digue constamment menacée par les assauts de la mer. Sur cette côte, le littoral recule de 20 à 30 centimètres par an, parfois plus. Les historiens locaux racontent qu'à la fin du XVIe siècle, la ville basse, qui était un port actif, a été engloutie dans les flots un soir de tempête. Les travaux contre la mer sont une constante dans la région, Ault en porte de nombreux stigmates.
La route continue de grimper, suivant le relief des falaises naissantes. Des maisons hétéroclites, mêlant villas Belle Époque et constructions d'après-guerre, jalonnent le parcours. L'Alsace et la Lorraine, sœurs qui ont été jumelles, sont les premières installées sur les falaises naissantes. Ici, les maisons portent toutes un petit nom.
En arpentant ainsi cette rue qui remonte le front de mer, on ne soupçonne pas les tracas, et surtout les fracas, que la mer inflige aux falaises. Elles semblent à bout de souffle par endroit.
Effets Waow en vue
On ne soupçonne pas non plus la vue magique qui attend le promeneur de l'autre côté de la rue, lorsque la pente descend : la côte d'Albâtre se met à nu, et déroule son long et monumental rideau de craie. Instant Waow assuré.
Les falaises sont là, à portée de vue. Et pourtant, elles se fondent dans le paysage naissant, noyées par les quelques constructions qui les bordent encore et le bitume qui les recouvre. Il faut suivre son instinct et longer une petite rue étroite qui monte : les falaises sauvages sont au bout du chemin.
La vue en vaut la peine : elle coupe véritablement le souffle. Au loin, la baie de Somme, qui donne cette lumière si particulière à l'horizon. Et puis partout la mer, que l'on surplombe désormais d'une soixantaine de mètres, toujours changeante, tantôt inquiétante, tantôt rassurante, cette mer qui engloutit nos pensées, cette mer qui nous recentre sur le moment présent.
Tout est beau, bleu, vert, même, et surtout, le son des vagues et du vent. Le paysage lave la tête, change les idées, bouscule les habitudes. Il donne un nouveau souffle. Chaque pas est une déconnexion / reconnexion. Le sentier, ténu et tenace, est la promesse d'un ailleurs sauvage et naturel. Il suffit de suivre le flux de cette petite veine. Un pas après l'autre. Ne pas s'en éloigner non plus.
« Cet endroit est beau. Je ne pouvais m’en arracher. C’est là qu’on voit poindre et monter cette haute falaise qui mure la Normandie » écrivait déjà Victor Hugo en 1837 en découvrant ces falaises naissantes. Le parcours plonge dans les valleuses, ces échancrures naturelles qui donnent l'illusion que la mer n'est pas si loin, ou la falaise pas si haute — mais révèlent en tout cas sa fragilité —. Les kilomètres passent au gré de ces pleins et déliés géographiques et de cette vue magique, avant d'arriver au Bois de Cise, étonnante valleuse boisée, comme son nom l'indique, et parsemée de très belles villas cachées dans l'ombre des arbres. Un bois en bord de falaise, ce n'est pas si courant.
Fenêtre grande ouverte sur une nature préservée, cette sortie est le parfait antidote aux octets envahissants.
Ici s'arrête cette première Pause marine. N'hésitez pas à me dire si cette escapade vous a plu, et si tel est le cas, n'hésitez pas non plus à la partager.
À la semaine prochaine : rendez-vous là où s’échouent les galets…
Laurence Bril
laurenceblog@gmail.com
Parcours
Départ : plage d'Ault-Onival
Distance : ± 8 km aller / retour
Dénivelé : ± 180 mètres
Un régal en mode trail pour les amateurs
Cet itinéraire est donné à titre indicatif.
Texte et photos sont la propriété de Laurence Bril. Reproduction interdite.
Ou meurent, selon le point de vue…