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Le littoral est une mer de contrastes : les paysages sauvages côtoient les ports de pêche et les centrales nucléaires... Sur les 56 réacteurs français, les eaux des côtes normandes en refroidissent 8, répartis sur 3 sites, Flamanville, Paluel et Penly. À force de longer les falaises, il fallait bien que ça arrive : ma route a fini par croiser un de ces trois sites, celui de Penly.
J’ai l’extrême chance d’avoir le droit à des pastilles d’iode gratuites chez mon pharmacien. Je vis en effet dans un rayon suffisamment proche d’une centrale nucléaire pour avoir ce privilège. Pourtant, la centrale de Penly est d’une discrétion exemplaire dans mon environnement. Si ce n’étaient ces fameuses pastilles d’iode, j’en oublierais jusqu’à sa proximité géographique. Je ne vis pas tout près non plus. Mais que représentent une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau ? Rien, surtout si le vent souffle du mauvais côté. Pour confronter ma peur du nucléaire à la réalité du terrain, je suis partie en vadrouille dans les environs de Penly. Pour prendre la mesure, et du recul aussi, il faut embrasser du regard la centrale en démarrant le périple par la plage de Saint-Martin-en-Campagne. Celle-ci porte étrangement son nom : elle offre une vue imprenable sur le complexe de Penly. À marée basse, on peut aller jusqu’à la digue infranchissable. À marée haute, on se contente de plonger son regard dans l’horizon lumineux. Sur le parking de la plage, une baraque à frites rappelle que l’on est aussi dans un lieu de villégiature.
Pour rejoindre Penly, il suffit de suivre le GR21. Le sentier, qui part de la plage, grimpe de suite sur la falaise. Il offre une vue sans filtre sur la Côte d’Albâtre et la Manche.
Pourtant, 500 mètres plus loin, après avoir atteint le plateau, on distingue assez vite le parking de la centrale, que l’on rejoint par un chemin de terre avant de retrouver le bitume, et le marquage discret du GR21.
À partir d’ici commence le contournement de la centrale pour rejoindre le village de Penly. Pendant 4 kilomètres, la mer est absente. Le nucléaire aussi, à quelques détails près : le hameau traversé est doté d’un éclairage public important, et d’une unité de gendarmerie spécialisée dans la surveillance du nucléaire, le PSPG. Le paysage industriel qui s’esquisse ensuite au fil des pas est dominé par la fée électricité.
Le village qui a donné son nom à la centrale apparaît enfin. C’est un petit bourg d’à peine 500 âmes, qui, curieusement, a conservé un aspect rural, avec la présence d’une ou deux fermes. La centrale, elle, est hors de vue à ce stade, et se fait totalement oublier. L’église, du XIe siècle, rappelle que le village a vécu avant que, depuis 1982, son nom ne soit associé au nucléaire.
La mer, enfin, est très discrètement annoncée par un panneau, noyée entre le foyer rural et l’unique bar-restaurant. Le tout dans un calme et un silence surprenants. Il faut emprunter la rue de la Tante Lucienne pour apercevoir de nouveau l’horizon bleu de la Manche. Cette rue au nom délicieux offre une perspective comme je les aime, en bleu et vert.
Quand soudain, au détour du virage…
Un accès à l’estran comme un col de montagne, avec une route en lacets, et les premiers bâtiments de la centrale. En croisant le panneau constellé de stickers évoquant le skate, on comprend assez vite que cette descente à la mer bitumée est un haut-lieu de glisse. Les spots de skate avec vue incroyable sur la mer en toute tranquillité ne courent pas les rues, et encore moins les falaises.
Les skaters ne sont pas les seuls à apprécier les lieux. Les pêcheurs à pied aussi, comme en témoigne cette pancarte inattendue…
Je ne l’ai pas remarqué tout de suite, mais un petit escalier prolonge le cheminement, invitation à descendre à altitude zéro, et à se rapprocher de la centrale. Et toujours le silence, le calme, à peine troublé par les cris des goélands et des corneilles, contrastant avec l’imaginaire industriel nucléaire. En bas, ambiance Berlin-Est. La pêche à pied à Penly, ça se mérite.
Enfin, au bout du chemin, la mer. Avec un panorama préservé sur la mystérieuse valleuse de Parfondval (voire Pause marine #8), et presque l’envie de se baigner dans cette petite crique, entre digue de Penly et falaises crayeuses. Tout est dans le presque.
Voilà, c’est ici le terminus. Ce fut une étrange randonnée de 14 kilomètres, slalomant entre villages, centrale, falaises, skate, et estran, entre industrie et nature. Elle offre une autre vision du littoral. Ce n’est pas ma favorite, mais au final, je la préfère à celle d’un horizon inutilement constellé d’éoliennes, en mer et sur terre.
À la semaine prochaine !
Laurence Bril
laurenceblog@gmail.com
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Parcours
Départ : plage de Saint-Martin-en-Campagne
Distance : 14 km A/R
Dénivelé : 210 m D+/D-
Cet itinéraire est donné à titre indicatif.
Texte et photos sont la propriété de Laurence Bril. Reproduction interdite.